dandelion au bord d'un trottoir

Zéro artificialisation des sols : libérer les espaces agricoles et naturels

Artificialiser les sols ?

La gestion économe de l’espace et des sols n’est pas une question nouvelle. Malgré les dispositions législatives et réglementaires depuis 20 ans (Loi SRU de 2000, Loi Grenelle 2 de 2010, Lois ALUR de 2014 et ELAN de 2018), et malgré les lois et Codes de protection de l’environnement (Code Rural, Code de l’Environnement, et même le Code de la Sécurité intérieure), l’artificialisation des terres va bon train en France.

L’État a fixé un nouvel objectif : « Zéro artificialisation nette » (ZAN). Pourtant, on voit encore fleurir des centaines de gros projets immobiliers sur des terres agricoles. L’immobilier est plus puissant que la volonté politique de protection des sols. Si l’objectif de ZAN est à atteindre, le chemin semble encore long à parcourir.

Quelles que soient les manières de calculer l’utilisation foncière, on peut réaliser un constat édifiant : l’artificialisation des sols augmente rapidement. Et cela dévore les surfaces naturelles et agricoles. Cette utilisation excessive de l’espace est destructrice de la biodiversité. Elle augmente les émissions de gaz à effet de serre, favorise les risques d’inondation, diminue les fonctions écologiques productives des sols, et limite l’autonomie alimentaire des territoires.

D’après le CEREMA**, l’utilisation des espaces libres (naturels, agricoles, …) représente 27.000 hectare chaque année en moyenne, entre 2006 et 2016. Plus concrètement, ça représente l’équivalent de près de 5 terrains de football par heure qui sont bétonnés ! 

Le changement d'occupation des sols : une des 9 limites planétaires​

Le changement d’affectation des sols est identifié comme l’une des 9 limites planétaires*.

Les sols sont une ressource finie et non-renouvelable à l’échelle humaine, du fait de la présence d’humus et du complexe argilo-humique, lents à se former et à sa stabiliser pour être bio-utilisables.

Les changements d’usages des sols ont des conséquences, notamment sur 2 autres grandes fonctions écologiques essentielles :

Aussi un nouvel objectif du gouvernement français a été défini dans le cadre du Plan Biodiversité du 4 juillet 2018.

Afin d’atteindre cet objectif, nous proposons comme principe la sobriété foncière, au même titre qu’on parle de sobriété heureuse pour les nouveaux modes de vie en général. Cette question importante de la sobriété foncière se trouve au croisement de plusieurs grands enjeux, notamment pour les villes et territoires en transition :

    • des enjeux écologiques : le climat (avec la mise en œuvre de l’Accord de Paris, durement malmené), la biodiversité (avec la mobilisation face à l’effondrement généralisé en cours) ;
    • des enjeux alimentaires, évidents pour l’humanité : demande sociale forte d’une alimentation locale de qualité, émergence de nouveaux projets et nouvelles politiques locales (circuits courts, Projets Alimentaires Territoriaux – PAT…)
    • des enjeux de gestion des risques : inondations à cause des sols artificialisés, rupture des chaînes alimentaires de production et de distribution, santé et pandémies, habitat fragilisés à cause des crises climatiques, pollutions de l’air et de l’eau

Définir le Zéro Artificialisation pour le rendre opérationnel

L’affirmation d’un objectif « Zéro Artificialisation Nette » c’est une rupture majeure dans les principes de l’urbanisme : jusqu’ici toute nouvelle opération qui entraînait l’artificialisation du sol devait être compensée par une action de  désartificialisation, c’est à dire la création d’une friche, d’une zone d’activité vacante, d’un parking, ou bien de la libération d’une zone sauvage dans le meilleur des cas…

Le calendrier pour atteindre cet objectif n’existe pas. La Commission Européenne préconise un horizon à 2050 dans sa  feuille de route « pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources », adoptée en 2011). Cependant, l’« Instruction du Gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’État en faveur d’une gestion économe de l’espace », adressée aux Préfets montre une volonté d’agir vite pour « infléchir la consommation, puis la stopper […] ». Dans cette perspective, un observatoire national de l’artificialisation des sols a été mis en place en 2019 dans le cadre du Plan Biodiversité. Quoi qu’il en soit, on est loin de l’échelle humaine : quand un être humain dit que c’est urgent et qu’il y a besoin de faire vite, en général ça se compte en minutes. L’Etat quant à lui compte par paquets de 5 ans. Mon point de vue personnel : c’est édifiant.

Plusieurs questions majeures restent à rendre claires, pour progresser vers l’opérationnalisation de cet objectif, notamment :

    • Donner une définition partagée de la notion d’artificialisation. Selon France Stratégie, qui est bien placé pour définir cette notion, la définition dépend actuellement des sources de données qui mesurent les « espaces naturels, agricoles et forestiers » (ENAF). Ainsi les espaces définis comme « artificialisés » sont les sols qui ne sont pas des ENAF. Un jardin public et un parking goudronnés sont comptabilisés l’un comme l’autre sans distinction comme « artificialisés ». Par contre transformer une forêt en parking géant devant un centre commercial est-ce artificialiser ? 
    • Définir une échelle géographique de base (de référence) pour intégrer cet objectif et coordonner la mise en œuvre : où mesure-t-on l’artificialisation ? 
    • Identifier le modèle économique permettant de financer les opérations de renaturation, rares car coûteuses : dans 9 chantiers sur 10, cette question est occultée, ou bien remisée à une ligne budgétaire de don à une ONG.
    •  Définir l’échelle écologique : à partir de quelle surface sauvage et écologiquement équilibrée on considère que l’artificialisation est là ?

Dans sa « Délibération relative à l’objectif de zéro artificialisation nette des sols du Plan Biodiversité », adoptée le 20 janvier 2020, le Comité National de la Biodiversité formule de nombreuses recommandation allant dans ce sens. 

Quelles seront les collectivités territoriales qui traduiront ces recommandations en actions à court terme, c’est à dire dans moins de 2 ans ?

Espaces agricoles et naturels : bilan et questions

Avec 27.000 hectares par an nouvellement utilisés, les conséquences de ce phénomène sont connues : érosion de la biodiversité, diminution de productivité agricole, augmentation des risques d’inondation, banalisation du paysage qui devient un désert, augmentation des déplacements et des pollutions, désertification des villages qui deviennent des dortoirs, baisse des fêtes et des activités locales.

Le plan biodiversité présenté par le gouvernement le 4 juillet 2018 prévoit d’atteindre à terme l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) d’ici 2030.

Cet objectif suppose un changement radical des pratiques d’aménagement urbain et pose de nombreuses questions, aux élus comme aux techniciens, y compris au monde agricole.

    • Quels sont les constats dans les territoires ?

    • Quelles sont les stratégies développées au niveau régional ou national ?

    • Quels sont leviers d’action à mettre en oeuvre pour atteindre cet objectif ?

Quelle artificialisation des sols dans les parcs naturels ?

La Fédération des Parcs participe aux travaux du gouvernement sur la lutte contre l’étalement des villes. Ce projet appelé Zéro Artificialisation Nette (ZAN) concerne en premier lieu les Parcs Naturels. Dans cet esprit le réseau des Parcs réalise une enquête dont les premiers résultats sont tombés : 21 Parcs ont répondu au questionnaire et ces derniers abordent la planification de façon totalement pluridisciplinaire.

On pourrait d’ailleurs résumer leur action par cette formule : Les Parcs protègent l’écologie pour gagner sur le plan économique. Dans ce résumé simplifié, les parcs ne font aucune mention de l’aspect social ou de la gouvernance, ou encore du développement en terme de biodiversité et d’eau. On sait d’ores et déjà par la recherche, avec la Valeur spécifique de l’action des Parcs naturels régionauxque ces territoires utilisent deux fois moins de terrains que la moyenne. Aujourd’hui les élus vont vers :

    • une meilleure compréhension de la réussite de cette politique,
    • une amélioration des pratiques par la définition et l’élaboration d’un positionnement au travers d’une note nationale.

C’est peu, et c’est déjà ça de gagné pour avancer. 

Pour ce faire, la Fédération des Parcs publiera les premières tendances de son enquête et proposera une orientation. Ce travail sera la contribution technique et politique à la démarche de l’État sur le Zéro Artificialisation Nette (ZAN). 

Il y encore beaucoup de chemin à parcourir pour accompagner les personnes morales publiques avec leurs questions éthiques, afin de les aider à franchir le cap, et être réellement dans des actions sans artificialisation des sols.

*Johan Rockström et son équipe de recherche

** Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

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